
Kako Nubukpo, l'économiste togolais
Dans un entretien accordé à la chaîne Diplomatie Togolaise, l’économiste togolais Kako Nubukpo a relancé le débat sur le franc CFA et le rôle de la jeunesse africaine dans la conquête d’une véritable souveraineté économique. Pour l’ancien ministre de la Prospective, la maîtrise de la monnaie et du budget est la condition première pour libérer le potentiel des jeunes du continent.

« Pour moi, l’autonomie stratégique renvoie à la capacité des États africains d’avoir les leviers de souveraineté économique, à savoir le budget et la monnaie », a-t-il affirmé. Une phrase lourde de sens, dans un contexte où de nombreux pays africains restent liés à une monnaie héritée de la colonisation.
Le franc CFA, symbole d’un passé non assumé
Interrogé sur l’avenir du franc CFA, Kako Nubukpo ne cache pas son désaccord avec le statu quo. S’il salue la transformation annoncée en « éco » au sein de l’UEMOA, il estime que le changement doit être plus profond. « Même si, au moment des indépendances, on a dit que CFA ne voulait plus dire colonie française d’Afrique mais communauté financière africaine, il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt », a-t-il déclaré.
Pour lui, le débat monétaire dépasse la technique : « C’est un fait social total, historique, politique, parfois religieux. » D’où son insistance sur la nécessité de renommer la monnaie utilisée par les pays de la zone franc. « Ce n’est pas un détail. C’est une question d’identité et de dignité », a-t-il martelé.
L’économiste estime que tant que la monnaie restera associée à une histoire de dépendance, la jeunesse africaine ne pourra pas se projeter dans un avenir réellement autonome. Il plaide pour une réforme qui ne soit pas seulement institutionnelle, mais psychologique et symbolique, afin de redonner confiance aux nouvelles générations.
Une jeunesse au cœur de la souveraineté économique
Au-delà du débat monétaire, Kako Nubukpo lie étroitement la question de la jeunesse à celle du développement. « La jeunesse est la clé. Il faut les accompagner, soutenir leurs innovations dans le développement de l’agriculture et de l’agro-industrie », insiste-t-il. Selon lui, les jeunes Africains doivent être les acteurs principaux de la transformation économique du continent, à condition qu’ils évoluent dans un cadre souverain et cohérent.
Cette jeunesse, qui représente plus de 60 % de la population, a besoin d’institutions solides et de politiques publiques audacieuses. Or, rappelle l’économiste, tant que les États n’auront pas le contrôle de leurs leviers budgétaires et monétaires, leur marge de manœuvre restera limitée.
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« Lorsque vous n’avez pas la maîtrise de ces instruments, vous êtes contraints dans votre capacité à effectuer les transformations que vous souhaitez », avertit-il. Une mise en garde claire : sans indépendance économique réelle, les ambitions de la jeunesse risquent de s’épuiser dans des slogans sans lendemain.
Une bataille de dignité et de confiance
Pour Kako Nubukpo, la réforme monétaire ne doit pas seulement viser la stabilité économique, mais aussi la restauration de la confiance collective. La monnaie, rappelle-t-il, incarne la puissance et la vision d’un peuple. En ce sens, changer le nom du franc CFA serait un acte politique fort, capable de rallumer l’espérance dans le cœur de millions de jeunes Africains.
Dans un monde dominé par les rivalités entre grandes puissances, l’économiste exhorte l’Afrique à trouver sa voie propre. « Quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre », cite-t-il en guise d’avertissement. « Notre défi, c’est de ne pas être l’herbe. C’est de devenir, à notre échelle, un éléphant capable de défendre ses intérêts. »
Pour l’économiste, sans souveraineté monétaire et budgétaire, aucune autonomie stratégique n’est possible. Une conviction qu’il place désormais entre les mains de la jeunesse africaine, appelée à bâtir l’avenir d’un continent maître de son destin.












