Succès Masra, l’homme qui inquiète le pouvoir de N’Djaména ?

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Succès Masra n’est pas un opposant ordinaire. Économiste formé à l’international, fondateur du parti Les Transformateurs et ancien Premier ministre, il incarne une alternative crédible au pouvoir en place au Tchad. Sa base politique est solide, particulièrement dans le sud du pays, où il est perçu comme un porte-voix des populations marginalisées. Son retour d’exil, suivi de sa nomination à la primature début 2024, à seulement quelques mois de la présidentielle, l’a placé au cœur du jeu politique, face à Mahamat Idriss Déby Itno. Cette position stratégique et son influence grandissante peuvent expliquer pourquoi il est perçu comme une menace directe par le pouvoir.

Des accusations lourdes, mais controversées

Les chefs d’inculpation – incitation à la haine, complicité d’assassinat, constitution de bandes armées – sont parmi les plus graves que puisse affronter un responsable politique. L’affaire repose largement sur un enregistrement audio attribué à Masra, présenté comme un appel à l’armement populaire. Or, ses avocats contestent l’authenticité et la pertinence de cette preuve, soulignant l’absence de lien direct avec les violences du 14 mai à Mandakao. Ce point est central : sans preuves irréfutables, les accusations risquent d’être perçues comme politiquement motivées.

Un procès à forte dimension politique

Le calendrier et le contexte laissent planer le doute sur la neutralité de la procédure. À peine quelques mois après avoir affronté le chef de l’État dans les urnes, Masra se retrouve accusé de crimes passibles de 25 ans de prison. Cette synchronicité, combinée aux tensions historiques entre le pouvoir et l’opposition, alimente la perception d’une justice instrumentalisée. Les précédents au Tchad, où plusieurs opposants ont été écartés par la voie judiciaire, renforcent cette hypothèse.

Une image ternie, mais une posture de résistance

Malgré la gravité des accusations, Masra rejette « tout en bloc » et se présente comme un homme attaché à la justice. Cette posture, associée à son habit traditionnel lors de l’audience, cherche à renvoyer l’image d’un leader enraciné dans son peuple et victime d’une injustice. Qu’il soit coupable ou non, son procès devient un symbole des tensions entre l’autorité et la contestation.

Le dossier Masra dépasse la simple question judiciaire : il reflète un affrontement politique de fond. Si les charges sont avérées, elles marqueraient la chute brutale d’une figure montante. Si elles sont instrumentalisées, alors cette condamnation viserait surtout à neutraliser un adversaire jugé dangereux pour l’équilibre du pouvoir. Dans les deux cas, l’affaire pèsera lourdement sur l’image du régime tchadien et sur la confiance des citoyens envers la justice.

 

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