Togo –Décentralisation : Jean Kissi dresse un bilan amer

À l’orée des élections municipales fixées au 10 juillet prochain, le climat politique togolais se charge de tensions et d’amertumes. La décentralisation, longtemps présentée comme une avancée démocratique majeure, fait aujourd’hui l’objet de vives critiques. Sur le terrain, les acteurs locaux expriment une profonde désillusion, dénonçant un processus vidé de sa substance, qui trahit les espoirs nourris depuis des années.
« On n’a pas fait grand-chose », lâche, désabusé, Jean Joël Kissi, conseiller municipal d’opposition dans la commune du Golfe 5. Cette déclaration cinglante résonne comme un verdict sans appel sur six années d’exercice de la gouvernance locale, amorcée après les municipales de 2019. L’élu pointe l’absence de réalisations concrètes, notamment l’indigence des infrastructures de base, la persistance des inondations et une gestion des fonds publics qu’il juge peu rigoureuse.
Pour Jean Joël Kissi, les promesses de développement local se sont évaporées dans les méandres d’un système marqué, selon lui, par l’immobilisme et les calculs partisans. « Ce n’est pas la décentralisation en soi qui est en cause, mais la manière dont elle est mise en œuvre », martèle-t-il. Dans sa commune, dirigée par un représentant du pouvoir central, il affirme que les projets annoncés sont restés lettre morte. « Il n’y a même pas eu de début d’exécution pour la plupart des actions planifiées », ajoute-t-il avec amertume.
Alors que la campagne électorale doit se tenir du 24 juin au 8 juillet, l’opposition entend faire de ce bilan peu reluisant un levier de mobilisation. Dans un contexte de précarité croissante, les populations attendent désespérément des avancées concrètes susceptibles d’améliorer leur quotidien. Le terrain semble donc favorable à ceux qui proposent une alternative crédible et enracinée dans les réalités locales.
Le gouvernement, de son côté, tente d’apaiser les tensions et de garantir une compétition électorale plus équitable. Une enveloppe de 500 millions de francs CFA a ainsi été annoncée pour soutenir les campagnes électorales, répartie à 65 % de manière égale entre tous les candidats, et à 35 % selon les performances électorales. Mais ce soutien, bien que salué dans son principe, est jugé insuffisant par plusieurs formations, en particulier celles de l’opposition, qui dénoncent un déséquilibre persistant dans l’accès aux ressources logistiques.
En toile de fond, une question demeure : la décentralisation actuelle, telle qu’elle est conduite, permet-elle un développement local autonome et efficace ? Jean Joël Kissi, élève du feu Maître Yaovi Agbeyibor, n’y croit pas. Il dénonce une gouvernance entachée de clientélisme, de favoritisme et de manque de volonté politique réelle, autant de freins à la transformation des collectivités locales.
Plus qu’un simple scrutin, les prochaines élections municipales représentent un moment charnière. Elles poseront les jalons, espérons-le, d’une nouvelle dynamique capable de redonner confiance aux citoyens dans le projet d’une démocratie locale vivante, inclusive et porteuse de résultats tangibles.