Promotion de l’identité africaine : Gnassingbé Eyadema, le pionnier

L’histoire politique et sociale du Togo est marquée par des choix de gouvernance qui reflètent des choix idéologiques, souvent intimement liés à la question de l’identité nationale et culturelle. Un aspect notable de cette réflexion est la position adoptée par l’ancien président Gnassingbé Eyadéma, qui, au cours de ses trente-huit années de règne, a fait un choix radical en refusant de porter son prénom d’origine, « Étienne », au profit d’un simple nom de famille, « Eyadéma ». Cette démarche n’était pas anodine, elle s’inscrivait dans une vision bien précise de l’histoire et de l’identité togolaises.
Un contexte historique de colonisation et d’impérialisme culturel
Pour comprendre le choix d’Eyadéma, il convient de revenir sur l’histoire du Togo et de l’Afrique en général, marquée par la colonisation européenne. Le Togo, comme de nombreux autres pays africains, a été soumis à l’assimilation imposée par les colonisateurs français, qui ont profondément influencé les structures sociales, les modes de vie et les systèmes de dénomination des populations. La tendance à adopter des prénoms et noms européens était une forme d’assimilation culturelle, voire un moyen de se distancier de l’Afrique traditionnelle.
Après l’indépendance en 1960, beaucoup de dirigeants africains ont cherché à redonner à leurs peuples un sens renouvelé de leur identité en réaffirmant des valeurs culturelles africaines. Ils ont, dans de nombreux cas, rejeté l’héritage colonial, y compris dans les symboles et pratiques quotidiens, en particulier le choix des prénoms. Ce rejet des noms européens s’inscrivait dans une dynamique de réappropriation de l’identité africaine. Dans ce contexte, le choix de Gnassingbé Eyadéma s’inscrit non seulement dans cette logique de rupture, mais aussi dans un désir de marquer l’importance d’un retour aux sources et à l’authenticité des racines africaines.
Le prénom Étienne : héritage colonial ou empreinte personnelle ?
Le prénom « Étienne », bien qu’il fût courant au sein des familles chrétiennes au Togo, portait néanmoins une empreinte de l’époque coloniale. Il venait de la tradition chrétienne occidentale imposée par les missionnaires, et symbolisait une forme d’intégration au modèle occidental. En décidant de ne pas conserver ce prénom, Eyadéma exprimait un rejet d’un héritage qu’il percevait comme l’un des vestiges de la domination étrangère, cherchant à redéfinir une identité togolaise débarrassée de toute référence étrangère.
Il est important de noter que cette décision ne s’inscrivait pas dans une opposition à la religion chrétienne, mais plutôt à l’imposition de valeurs étrangères qui, selon lui, entravaient le développement d’une Afrique forte, fière et autonome. En décidant de ne plus être « Étienne », Eyadéma affirmait sa volonté d’être avant tout un acteur de l’authenticité togolaise, un leader qui voulait marquer son temps par un choix symbolique de rupture.
Le nom « Eyadéma » : une symbolique du pouvoir et de l’identité
Le nom « Eyadéma » est plus qu’un simple patronyme, c’est une marque d’identité. À travers ce nom, Eyadéma renforçait son image d’homme de pouvoir, de leader qui, loin de se conformer aux normes imposées par les colonisateurs ou par des traditions étrangères, se forgeait un héritage propre, ancré dans les réalités sociopolitiques et culturelles du Togo.
Le rejet de son prénom d’origine s’accompagnait ainsi d’une volonté de s’affirmer comme un modèle de souveraineté et d’autosuffisance pour son pays. En tant que président du Togo, Eyadéma était non seulement un homme politique, mais aussi un symbole vivant de la lutte contre les influences extérieures. Ce choix était, au fond, une manière de marquer l’indépendance et la singularité du Togo face à un monde globalisé où l’homogénéisation culturelle et sociale semblait inéluctable.
Le symbole d’une nation en quête de ses racines
Gnassingbé Eyadéma a marqué l’histoire du Togo à travers de nombreuses actions politiques, mais son choix de renoncer à son prénom d’origine est sans doute l’un des plus symboliques de son époque. Ce rejet des noms importés, comme il l’a fait en renonçant à « Étienne », traduit une quête profonde d’une Afrique indépendante, fière de ses racines et de son identité. Un choix qui, bien que contesté et souvent perçu sous l’angle de la stratégie politique, reste une déclaration de rupture avec un passé colonial dont le poids demeure encore sensible.
À travers cette décision, Eyadéma a cherché à redonner au Togo une voix distincte dans le concert des nations, une voix qui s’inscrivait résolument dans une logique de souveraineté et d’affirmation de soi, tout en rappelant que l’identité d’un peuple ne se trouve pas dans l’adoption des normes extérieures, mais bien dans la valorisation et le respect de ses traditions et valeurs profondes.